mardi 25 novembre 2008

à tu et à toi

Samedi en me levant, vers dix heures, j'ai un peu travaillé avant de retrouver notre petit groupe à midi pour aller tous ensemble visiter le Parlement suédois, le Riksdag. C'est en voyant une affiche dans le métro que j'avais appris qu'étaient organisées les journées portes ouvertes de l'institution.

J'ai bondis sur l'occasion! Car je voulais absolument découvrir l'organe le plus important de la démocratie suédoise, là où tout se décide, parce que dans la culture nationale, tout se discute, tout se négocie, et le Riksdag est sans doute le lieu qui incarne le mieux une tradition de dialogue et de délibération collective vieille de plusieurs siècles au pays des Vikings.

Le Riksdag est situé à quelques mètres du Palais Royal en plein coeur historique de Stockholm. Jusqu'en 1971, la Suède avait deux assemblées parlementaires, la chambre haute et la chambre basse. La chambre basse était élue directement par les Suédois alors que la chambre haute  était composée de membres de la noblesse suédoise. Ces deux anciennes chambres sont les plus historiques et les plus belles aussi en terme de décoration. L'ambiance y est feutrée, rouge et or. 

A partir de 1971, la Suède abandonne sa chambre haute, et devient un régime parlementaire monocamériste. Est alors construit un nouveau parlement, une nouvelle chambre, un nouveau bâtiment, qui est mitoyen à l'ancien Parlement, et qui donne sur le lac Malaren. C'est un bâtiment moderne, dont la façade est faite de verre. Et la modernité se voit aussi de l'intérieur, et pas pour le meilleur. En effet, c'est un vrai Parlement Ikéa! Le mobilier y est épuré, bye bye l'histoire du pays, l'aparat de la monarchie, et bonjour modernité plate et sans âme! Les Suédois auraient-ils voulu incarner la modernité en construisant ce nouveau parlement? Ont ils voulu, comme à leur habitude, exprimer la simplicité du pouvoir, gommer les hierarchies, et faire un Parlement accessible à tous et à la portée de tous? 


Alors les Suédois ne sont pas comme les Français. Jan mon tandem me l'a d'ailleur confirmé. Là où en France les hierarchies dans la société sont fortement cultivées, que ce soit au travail, à l'école ou en politique, en Suède, c'est exactement le contraire, on met tout en oeuvre pour les aplanir. A ce propos, une vaste réforme a été opérée à la fin des années 1960: la Réforme du vouvoiement.

C'est très simple, le tutoiement généralisé, l'abolition de l'usage des titres liés à la hiérarchie, ou encore l'arrêt définitif de l'utilisation de "il" ou "elle" pour désigner une personne inconnue, ont été proclamés par la loi. Une exception demeure cependant, puisque seuls les membres de la famille royale doivent être vouvoyés.
Sinon, en société, au travail, à l'école, partout, les Suédois se tutoient! Même le jeune qui s'adresse à une personne âgée ou hiérarchiquement supérieure, peux tutoyer son interlocuteur sans risque de passer pour quelqu'un d'impoli. C'est aussi ça le paradoxe de la Suède. La politesse et les convenances sont ailleurs. Elles sont plus dans le respect en général (des personnes et de la nature en particulier) que dans l'utilisation de convenances ou de codes sociaux pré-établis, comme la maintien des hiérarchies traditionnelles ou encore le vouvoiement dans les rapports aux autres.

Ainsi aujourd'hui, les Suédois se tutoient entre eux, et tutoient tout le monde! Mais il y a un petit bémol. Depuis les années 1980, un retour du "vous" chez les jeunes est à noter. Ceux qui voyagent en Europe notamment, ont pu réaliser que le suédois était la seule langue dans laquelle le "vous" distinct du "tu" existe mais n'est plus employé. 

Deux raisons fondamentales ont justifié l'adoption de cette loi: d'une part, cela était considéré comme un progrès démocratique et égalitaire. D'autre part, il s'agissait de rompre avec avec le clichet selon lequel les Suédois sont froids et distants.

Si les Suédois sont moins froids depuis qu'ils se tutoient, la Suède n'en reste pas moins glaciale en hiver. Les températures sont désormais négatives, et la neige recouvre la Suède de son manteau blanc. En cinq lettres, ce que j'en pense? C'est S U P E R !

J'ai pris beaucoup de photos (mon nouvel appareil ne me quitte plus, je mitraille!). On a fait des batailles de neige...En ville, les premières vitrines de Noël apparaissent, les girlandes électriques s'allument dans les rues à partir de quinze heures, à la tombée de la nuit. Et chaque jour, c'est parti pour un après-midi de neige, de nuit et d'ambiance de Noël avant l'heure!

vendredi 21 novembre 2008

Week-end à Riga


Nous avons pris le bateau pour la Lettonie et sa capitale, Riga. Le séjour était court, il n'a duré que trois jours, dont deux à bord de notre énorme ferry pas très jeune.

Oui c'était un ferry un peu vieux, pas très joli à l'intérieur, pas seulement kitsch (ce serait la version positive) mais complètement ringard. En fait voilà, ce bateau m'a rappellé toutes ces séries télévisées des années 1970 comme La croisière s'amuse avec son équipage, son personnel, ses spectacles à paillettes, ses balons colorés et ses spots, ses danseuses et danseurs vêtus comme au cirque ou au Lino de Paris dans les années soixante, ses jeux organisés pour divertir les voyageurs...

Alors heureusement que nous étions en groupe, que nous étions nombreux de l'Université de Stockholm, et que nous avons pu nous amuser malgré tout!

La ville de Riga en elle même est très mignone et chargée d'histoire. J'ai pu la visiter le temps d'une journée. Nous sommes allé dans un grand marché où nous avons pu découvrir les spécialités locales.

Mais la Lettonie reste pauvre. Les visages, des femmes d'un certain âge en particulier, sont les témoins de quelque chose de grave. Outre le fait qu'on ne puisse pas communiquer, parce que l'anglais y est peu parlé, ces dames qui vendent sur les marchés n'ont pas d'expression, elles ne sourient pas, elles vous regardent, et elles vous servent. Elles ne parlent pas non plus. Par contre,  la dame qui nous a vendu ses patisseries nous a émerveillé par sa gentillesse! Elle parlait anglais en plus...peut-être qu'elle n'était pas vraiment du coin.

Dans la rue aussi, la pauvreté est là, marquante, mais pas seulement la pauvreté, car ce qu'on retient avant tout, c'est la gravité des visages, commune je crois à de nombreux ex-pays soviétiques. Voir des personnes âgées mandier dans les rues, venir, au marché, vous demander une pièce...C'est le genre de scène que vous voyez une fois et dont vous vous rappelez souvent. Surtout quand vous pensez que ces personnes ont travaillé toute leur vie.

Alors, les personnes se promènent dans la rue, enfermées dans de grands manteaux de fourrure. Leur chapka finit de dessiner la silhouette particulière des populations russes...Mais le plus boulersant, oui, ce sont les visages encore une fois. Ces visages froids, tristes et graves. 

Riga nous a aussi montré ses magnifiques bâtiments de style Art Nouveau. Les premières réalisations datent de la fin du XIXème siècle, grâce aux fruits de la Révolution Industrielle. Eisenstein par exemple signe de nombreux bâtiments dans le centre-ville ancien. En fait, Riga est l'un des plus grands témoignages de la période art nouveau en Europe. Après la Première Guerre mondiale, on la surnommait "Le Paris du Nord" tellement elle accueillait d'artistes venus du monde entier.

Aussi, la capitale balte a gardé les traces de presqu'un demi-siècle d'Union Soviétique. Et , bien plus encore que l'Art Nouveau, cette partie là de l'histoire est présente partout dans la ville, mais aussi chez les personnes qui vivent là. Pour les plus âgées, elles auront tout vécu. Les guerres du XXème siècle, la privation des libertés sous l'Union Soviétique, et aujourd'hui, avec l'ouverture à l'Europe et au monde, elles connaissent le libéralisme économique, qui appauvrit encore plus.

Parce que pour de nombreuses personnes encore, la vie était meilleure sous le communisme. Elles étaient moins pauvres parce que les prix étaient plus bas. Le travail était garanti par le système, et donc, globalement, c'était mieux. On a longtemps retrouvé ce sentiment chez les personnes agées en ex Allemagne de l'est...

Mais je voudrais retourner à Riga, ou bien dans un autre pays de l'est, ou pourquoi pas, découvrir un autre pays balte...
Je voudrais aussi visiter Saint-Pétersbourg et prendre le Transibérien, ce train symbole de la grandeur russe, la Russie tsariste et communiste, les deux Russie qui m'impressionnent, comme m'avait impressionné Berlin.
Je n'ai pas pu visiter Riga à fond, une journée ça passe très vite! Mais j'ai quand même pu prendre quelques photos...(cliquez ensuite sur "diaporama").

A très vite!

Joël

vendredi 14 novembre 2008

mardi 11 novembre 2008

Que faut-il penser de Ségolène Royal? Ou bien mieux vaut-il ne pas y penser?

L'Université de Stockholm a mis en place un programme de tandem linguistique. Le principe est simple. On m'a mis en contact avec un Suédois qui apprend le français. Ainsi, il peut pratiquer son français, et moi je peux lui demander des conseils de prononciation, vocabulaire...en suédois, parce que je suis des cours de suédois depuis maintenant deux mois.

Mon tandem s'appelle Jan et il a la trentaine. Il travaille à l'Hôpital de Stockholm en tant que psychologue, sa soeur habite à Paris depuis sept ans et étudie à Sciences Po. Voilà pourquoi Jan parle bien le français. En vérité il est presque billingue.

Nous avons fait deux réunions.

Jan habite le quartier bourgeois-bohême de Sofo au Sud de Stockholm.
Nous nous sommes donnés rendez-vous devant la station de métro Medborgarplatsen, ensuite Jan m'a proposé d'aller dans un café sympa situé non loin de là, un endroit vintage, qui date des années vingt, et qui s'appelle "Le Moulin", en suédois bien sûr.
Le Moulin est un de ces cafés bobo typiques, que j'aime bien, et dont la clientèle a une bonne situation, se rend dans ce café (qui fait aussi restaurant par ailleurs) après le travail, pour prendre un verre, une bière, ou dinner.
Souvent, les clients sont seuls et lisent les journaux ou travaillent. L'ambiance est studieuse au Moulin. C'est en fait la brasserie la plus vieille du quartier, et le décor suranné n'a pas perdu de son charme originel.

Nous avons pris des bières. J'ai été surpris par le français presque irréprochable de Jan. Jan est psychologue, et je n'aime pas ça. Mais finalement, j'ai oublié sa profession angoissante, et nous avons parlé Suède. Cela a été l'occasion de faire l'état des lieux sur les points communs et les divergeances qui existent entre la société suédoise et la société française. Aussi, nous avons beaucoup parlé politique.

Et nous avons parlé de Ségolène Royal. Jan suit l'actualité française de très près. Il pense que Ségolène Royal incarne quelque chose, elle est charismatique, mais il trouve un bémol à ses performances: elle a un sévère travers populiste qui le dérange. Ségolène Royal populiste? Non à peine!
Quand elle déclare à propos de la crise finançière: "Il y a quinze jours, ils ne trouvaient pas l'argent pour les pays pauvres, alors qu'en quelques heures ils ont trouvé 300 milliards d'Euros pour résoudre la crise finançière."
...Alors "ils" ce sont les élites, les gouvernants, les hauts placés? Les notables? Qui d'autre? Peux-tu, Ségolène, faire plus de populisme ou c'est pas possible?

Ce que je pense d'elle, on s'en fou royalement. Mon avis ne compte pour rien. Mais quand même, c'est vrai, Ségolène Royal a quelque chose, elle incarne l'espoir. Elle incarne l'espoir comme Mitterrand incarnait le renouveau en 1981 (enfin ça, je l'imagine). Parce que là où une Martine Aubry ou un Bertrand Delanoë n'incarnent que l'alternance politique, Ségolène Royal a compris qu'en politique, les idées ne suffisent pas. En gros, pour gagner une élection, il faut des idées, et on peut dire qu'au PS, Aubry, Royal et Delanoë ont les mêmes idées exactement les mêmes, à la virgule près, sauf que Royal a bien compris qu'en plus des idées, il faut du liant, du sel, quelque chose qui va au délà des idées et des programmes politiques, il faut l'incarnation de l'espoir.

Même si c'est ridicule, l'incarnation de l'espoir d'un avenir meilleur est essentielle. L'homme politique doit faire croire aux citoyens qu'il est capable de faire bouger les choses, sinon à quoi sert la politique? C'est pour ça que Royal est comme Mitterrand, elle a grandi à l'école de Mitterrand, et elle a appris avec lui à faire de la politique. Toujours incarner l'espoir, l'espoir toujours que l'homme politique peut améliorer les choses et la société. 
Mitterrand a fait de l'espoir son fonds de commerce. Aussi, il a fait de son fond de commerce la contestation à tout va. Et parfois, la contestation flirte avec le populisme. Par exemple quand il déclarait en 1971 à Epinay: 
"Le véritable ennemi, j'allai dire le seul, parce que tout passe par chez lui, le véritable ennemi si l'on est bien sur le terrain de la rupture initiale, des structures économiques, c'est celui qui tient les clefs... c'est celui qui est installé sur ce terrain là, c'est celui qu'il faut déloger... c'est le Monopole ! terme extensif... pour signifier toutes les puissances de l'argent, l'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase, l'argent qui tue, l'argent qui ruine, et l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes !"

Et il continue en disant: "Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui là, il ne peut pas être adhèrent du Parti Socialiste".

Alors je sais pas s'il faut penser que c'est du populisme ou bien alors si c'est de la contestation politique. Mais en tous cas, si Ségolène Royal ou un candidat socialiste prononçait les mots de Mitterrand aujourd'hui même, ça ne choquerait personne tellement le système capitaliste a perdu la tête.

Bref, sinon ce week-end, Carine et Laurent sont venus me voir à Stockholm. Il n'y a pas grand chose à raconter, si ce n'est que tout était simplement super! Dimanche je pars à Riga en bâteau pour trois jours. Avant, je vais m'acheter un nouvel appareil photo numérique parce que le mien est cassé et irréparable...je voudrais quand même avoir quelques souvenirs de cette année formidable. Dehors il pleut, il fait nuit aussi, mais ça, c'est devenu accessoire, ça fait parti du décor. Là immédiatement, je vais me remettre à travailler, j'ai un livre horrible à lire pour les cours...

A très vite!

Joël